2018 : Catastrophes : prévision, prévention, précaution

♦  Colloque annuel

« Catastrophes : prévision, prévention, précaution »
le 17 mai 2018
 
de 9h à 17h30
Centre Scientifique d’Orsay
Bâtiment des colloques (338)
Rue du Doyen André Guinier
Salle de conférences – 1er étage
Plan d’accès
Comment venir ?

Entrée libre

Argumentaire

Au cours de leur histoire, les populations humaines ont toujours été confrontées à des catastrophes d’origine naturelle ou humaine dont de nombreux mythes fondateurs et récits historiques se font l’écho. Aujourd’hui, alors que les sciences et les techniques semblaient promettre une sécurité accrue, grâce à une meilleure maîtrise des expositions au danger et des mesures tenant compte des vulnérabilités, les évolutions contemporaines semblent engendrer de nouveaux risques de catastrophes, climatiques, environnementales, technologiques, financières, sociales, politiques et sociétales.

Ces nouvelles menaces, où s’enchevêtrent des phénomènes naturels et des processus dus aux actions et décisions humaines, défient notre capacité à les penser, à les prévoir, à les prévenir ou à y faire face de manière adéquate. Elles mettent à l’épreuve la capacité d’adaptation de nos sociétés diverses, leur conception de la solidarité et leur besoin de sécurité. Le colloque 2018 du Centre d’Alembert abordera ces questions en interrogeant l’histoire moderne des rapports des humains aux catastrophes, leurs traitements médiatiques et leurs impacts, ou encore les évolutions des politiques publiques et de leurs mises en œuvre, qu’il s’agisse de prévention ou de réponses durant ou après les catastrophes.

Programme

Matinée : 9h-12h30

Allocution d’accueil :
Christine Paulin, Doyen de la Faculté des Sciences d’Orsay

Ouverture
Annick Jacq, directrice du Centre d’Alembert
Quelles questions nous posent les menaces de catastrophes : retour sur le séminaire

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Texte de l’intervention d’Annick Jacq

Résumé : Le séminaire 2017-2018 aura été l’occasion d’un parcours pluridisciplinaire qui nous a permis d’explorer ce qui fait catastrophe selon différents champs disciplinaires, qu’il s’agisse bien sûr du réchauffement climatique, qui s’annonce comme la catastrophe majeure à venir mais déjà là, d’objets spatiaux produits par la nature ou par l’ingéniosité humaine qui menacent de nous tomber sur la tête, ou de la perte de la biodiversité. A travers ce parcours, la distinction entre catastrophe naturelle et catastrophe technologique se brouille. La technologie est tout autant vécue comme porteuse de risques de catastrophes majeures qu’elle est éventuellement mobilisée pour prévenir la catastrophe. L’idée de catastrophe renvoie à celle de risques, risques qui se calculent, en particulier dans les logiques assurantielles, grâce éventuellement à des outils informatiques et à une approche statistique. Le risque du statisticien n’est pas le même que le risque perçu par le public, en particulier à travers le prisme médiatique, et la complexité des données scientifiques comme l’incertitude inhérente à l’anticipation des risques ne facilite pas les politiques de prévention. Plus largement, les risques de catastrophes interpellent nos sociétés quant aux réponses à apporter entre appel à la responsabilité individuelle, chacun étant appelé à se protéger des conséquences éventuelles d’une catastrophe et solidarité collective, s’incarnant par exemple dans des politiques publiques, ou l’action des ONG.

François Walter, historien, Université de Genève
Protection, prévoyance, précaution : une histoire sur le temps long (XVIIe-XXe siècles)



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Texte de François Walter

Résumé : Durant les différentes époques de l’histoire comme dans les diverses traditions culturelles et religieuses, les catastrophes ont été instrumentalisées pour renforcer l’ordre social et moral. Cela signifie que l’événement extrême est suivi par la mise en place d’un nouvel ordre social dont le but est à l’évidence d’empêcher une nouvelle catastrophe. Empiriquement, on découvre ainsi dans le passé l’une des clés de la sociologie culturelle du risque, quand la gestion des situations de crise par le pouvoir lui permet d’institutionnaliser des normes. Cette stratégie sert à occulter le fait que la catastrophe est une construction sociale et que les vulnérabilités sont différentielles. À se prévaloir des contraintes naturelles, on oublie souvent que la société elle-même génère des enchaînements potentiellement catastrophiques. Pour clarifier ces mécanismes, la communication se propose de mettre en évidence trois séquences de gestion des catastrophes depuis le début de l’époque moderne. Elles définissent aussi trois types de société : la société de la protection (jusqu’au 18e siècle); la société de la prévention (19e-20e siècle) et la société du risque postmoderne (21e siècle).

 

Anticipation et gestion des catastrophes dans les politiques publiques

Gwenaël Jouannic chargé de recherche au CEREMA (Centre d’Études et d’Expertises sur les Risques, l’Environnement et l’Aménagement) Ouest
Anticiper la gestion post-catastrophe pour reconstruire un territoire plus résilient



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Article : https://journals.openedition.org/eps/7033

Résumé : La reconstruction d’un territoire impacté par une catastrophe naturelle est une étape encore peu anticipée dans la politique de gestion des risques. L’ONU, avec le concept de « build back better », insiste aujourd’hui sur l’importance de la phase de relèvement suite à une catastrophe naturelle comme opportunité pour développer et mettre en œuvre des mesures de réduction de la vulnérabilité.

Cependant, cette phase complexe, peu documentée et mal encadrée, amène souvent une reconstruction à l’identique. L’actualité de la reconstruction post-catastrophe aux petites Antilles (Saint-Martin, Saint-Barthélemy) montre les difficultés de concilier les deux impératifs de « reconstruire vite » et de « reconstruire bien ». Dès lors, quelles seraient les conditions nécessaires pour mettre à profit ce moment clé et rendre le territoire plus résilient vis-à-vis d’un nouvel événement ? Afin d’explorer cette hypothèse, Gwenaël Jouannic présentera une analyse des temps structurant la phase post-inondation éclairée par plusieurs retours d’expériences français et internationaux centrés sur la post-catastrophe. Cela nous permettra de mieux comprendre le contexte de la phase post-catastrophe et l’opportunité de la période de reconstruction afin de réduire durablement la vulnérabilité des territoires aux risques environnementaux.

Michel Juffé, philosophe, ancien président du Conseil scientifique de l’AFPCN (Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles)
Enjeux politiques de la prévention des risques



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Texte de Michel Juffé

Résumé : Quelques constats :

  • La terminologie prête à confusion, signe que la doctrine globale de la PR n’existe pas : incidents, accidents, risque, danger, sécurité, sûreté, enjeux, expositions, vulnérabilité, résilience, reconstruction, restauration, réparation, etc. – varient d’un domaine à l’autre ;
  • Les systèmes de prévention dépendent d’entités publiques différentes et qui communiquent peu entre elles ; au sein d’un même ministère, entre chemin de fer, route, voies navigables, transport aérien… pratiquement aucun contact.
  • L’oubli que la prévention des catastrophes est liée à tous les autres aspects de « l’aménagement et du développement durable des territoires », car étroitement liée à l’occupation des sols, aux réseaux d’infrastructures, aux entités économiques, aux systèmes et réseaux sociaux, aux institutions publiques et aux écosystèmes

Quelques pistes d’amélioration :

  • Une conception intégrée des divers types de dangers/risques et de modes de protection
  • Une instance de conseil/évaluation commune veillant à la compatibilité et la coordination des actions à tous niveaux
  • Une réflexion commune sur les pratiques en matière de prévention des catastrophes
  • Une coordination générale des actions publiques, à double sens : politiques d’ADDT et leur impact sur les politiques de PR

Questions du public aux intervenants de la matinée

Après-Midi : 14h-17h30

Vivre avec les catastrophes : menaces, mémoire, récits

J. Peter Burgess, titulaire de la chaire de Géopolitique du Risque AXA-ENS à l’ENS à l’ENS Paris 
L’expérience de la catastrophe

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Résumé : L’intervention abordera l’expérience de la catastrophe comme un problème d’affect. Une catastrophe porte de multiples conséquences matérielles : dégâts, pertes de vie, pertes de valeur, etc. La logique de la catastrophe est physique. La catastrophe représente dans ce sens mille dangers matériels auxquels on peut ajouter des chocs psychologiques, des traumas, des pertes humaines et des réactions émotionnelles mais toutes après-coup, comme conséquence de la catastrophe. La théorie de l’affect cherche à comprendre la force de la catastrophe dans sa potentialité, l’anticipation de ses dangers avant le fait . L’affect exprime la force de l’événement en tant qu’image, en tant qu’imaginé. Ainsi l’affect se présente comme la nouvelle violence de l’âge de l’incertitude.

Paul H. Dembinski, économiste, directeur de l’Observatoire de la Finance (Genève)
Crises financières : peut-on reprendre la main ?



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Résumé : Il y a crise financière quand suite à la chute des cours de certains actifs, le mouvement se propage vers d’autres segments du marché financier au point de menacer la survie de certains opérateurs et institutions et au risque de déclencher un effet domino. L’histoire récente – celle de la crise actuelle – montre que certaines crises ne sont que financières alors que d’autres, comme la crise actuelle, se propagent à l’économie voire à la géopolitique. Les incertitudes pesant aujourd’hui sur l’avenir de la globalisation sont une conséquence directe de la confiance ébranlée dans le mécanisme du marché suite aux événements 2007/8.

Reprendre la main : qui, pourquoi et comment ? Face à la transnationalisation des entreprises et des marchés (y compris financiers), les états enserrés dans leurs territoires ont longtemps été aux abonnés absents. La régulation tarde à s’inventer même suite à une crise – Cambridge Analytica en est un exemple – surtout quand le lobby est puissant. Mais il y a plus : le vrai problème est la question du pourquoi. La finance a exercé une séduction intellectuelle sur des générations – y compris, mais pas seulement – de politiques.   Nos systèmes de retraites et d’assurances s’appuient sur cette béquille. Pourquoi donc alors reprendre la main au risque de déclencher une avalanche ? N’est-il pas plus prudent de rentrer dans le rang ? Et comment reprendre la main ? La réduction de la complexité est un chemin périlleux, mais il s’impose.

Marie-Eve Saint-Georges, Sciences de l’Information et de la Communication, Université Lille 3
Traitement médiatique des catastrophes : le cas d’Haïti et de Fukushima



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Résumé : En mars 2011, l’opinion publique se forge dans la peur d’un nouveau Tchernobyl exposé sur les écrans du monde entier. Peur renforcée par la dichotomie entre l’évacuation des envoyés spéciaux, par crainte d’être irradiés, et un discours politique qui n’apporte pas de réponse quand les fumées se dégagent de plusieurs réacteurs de la centrale de Fukushima-Daiichi, dans les jours suivant le séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter. Les lumières braquées sur le Japon décuplent ces effets. Toutes les centrales nucléaires seront momentanément mises à l’arrêt, la donne politique change avec une contestation sans précédent et le retour de Shinzo Abe après la chute de Naoto Kan à la tête de l’archipel nippon. Sur la zone géographique autour de Port-au-Prince, le séisme du 12 janvier 2010 provoque l’effondrement des infrastructures et rend temporairement impossible l’accès à Haïti. Une surexposition médiatique déclenche un déploiement d’aides, financières et humanitaires, à la limite de la saturation. Le Président René Préval évoque alors une « République des ONG ». La perspective électorale s’assombrira pour lui, plus d’un an après, avec la victoire de Michel Martelly. L’ancien chanteur de Kompa accaparera l’espace médiatique, sur fond de reconstruction complexifiée par l’ingouvernabilité d’Haïti.

Yoann Moreau, anthropologue, Mines ParisTech/EHESS
Vivre avec les catastrophes

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Résumé : Le mot catastrophe est employé dans de très nombreuses situations, depuis de micro événements qui interrompent provisoirement le ronron de la vie domestique, jusqu’aux plus terribles désastres planétaires. On dit « catastrophe ! » lorsqu’un séisme fait onduler et craquer le tapis terrestre, mais aussi lorsque l’on renverse une tasse de café sur un tatami. Qu’est-ce qu’il y a de similaire entre ces deux événements sans commune mesure ? Qu’est-ce qui fait que l’on s’exprime avec un même mot lorsque l’on découvre qu’une chaussette rouge a déteint dans une machine de linge blanc, et lorsque l’on regarde des bombardements à la télévision ? Ce mot et le rapport au monde qu’il est censé transmettre, ont ceci de particulier qu’ils semblent indépendants des échelles. Nous nous pencherons sur ce simple mais remarquable aspect pour explorer les variations de ce qui fait catastrophe selon les disciplines de recherches, selon les cultures, et selon les temporalités engagées.

Questions du public aux intervenants de l’après-midi

Comité de pilotage

Hélène Aubry, enseignante-chercheuse en Droit, IDEP, Université Paris-Sud
Julien Gargani, enseignant-chercheur en Sciences de la Terre, GEOPS, Université Paris-Sud
Hélène Gispert, enseignante‐chercheuse émérite en Histoire des Sciences, EST, Université Paris-Sud
Alexei Grinbaum, chercheur CEA, philosophe, LARSIM, CEA-Saclay
Annick Jacq, chercheuse en Microbiologie, CNRS, directrice du Centre d’Alembert, I2BC, Université Paris‐Sud
Alexia Jolivet, enseignante‐chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication, directrice adjointe du Centre d’Alembert, EST, Université Paris‐Sud
JeanLouis Martinand, enseignant‐chercheur émérite en Didactique, président du Centre d’Alembert, ENS Cachan
Oliver Nüsse, enseignant-chercheur en Biologie, LCP, Université Paris-Sud
Jean-Claude Vial, chercheur CNRS émérite en Astrophysique, IAS, Université Paris-Sud

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