Séminaire du 3 avril 2013

Quels accès aux données ? Du « communisme » scientifique aux modèles propriétaires (1)

Intervenants : Christian VÉLOT et Florence BELLIVIER

Christian VÉLOT,  Généticien moléculaire à l’Université Paris-Sud, Membre du conseil scientifique du CRIIGEN, Administrateur de la Fondation Sciences Citoyennes

Transparence de l’expertise : le tournant de l’« Affaire Séralini »

Résumé :
L’étude de Gilles-Eric Séralini (GES) et du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) sur le maïs génétiquement modifié NK603 et l’herbicide Roundup, publiée le 19 septembre dernier dans la revue Food & Chemical Toxicology (1) , a non seulement mis en exergue la carence de l’évaluation de ces produits, mais également son opacité : les données brutes des études ayant conduit à l’autorisation des OGM et des pesticides sont maintenues confidentielles au nom de la protection industrielle, excluant ainsi la possibilité de toutes contre-expertises et analyses contradictoires.

Les nombreux détracteurs de GES et du CRIIGEN n’ont pas manqué d’exiger de leur part la communication des données brutes de ladite étude, lesquelles ont été remises à un huissier le 15 janvier dernier, et ne seront dévoilées que lorsque les agences d’évaluation concernées auront communiqué les leurs. Un vrai débat contradictoire ne pourra en effet s’engager auprès de la communauté scientifique que lorsque celle-ci disposera  de l’ensemble des données existantes sur les deux produits. Rappelons que les données de l’étude de GES sont des données de recherche qui ont pour but de mieux appréhender l’éventuelle dangerosité de produits, et non pas de valider leur autorisation commerciale, contrairement à celles des agences d’évaluation qui ont conduit à des avis positifs d’autorisations. On ne peut donc que s’étonner que toutes celles et ceux qui sont si soucieux aujourd’hui de transparence à l’égard de GES et du CRIIGEN n’aient jamais manifesté une telle exigence à l’endroit des agences d’évaluation. Y aurait-il deux poids deux mesures sur l’accessibilité des données de recherche en fonction des conclusions auxquelles elles conduisent ?

Par ailleurs, une frange de la communauté scientifique s’est offusquée de la couverture médiatique qui a accompagné la publication de l’étude de GES, qualifiant sa démarche d’ « éthiquement incorrecte ». Certains académiciens sont mêmes allés jusqu’à recommander la création d’un « haut comité de la science et de la technologie », sorte de comité de censure dont la mission serait d’attirer l’attention du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur la médiatisation de travaux scientifiques allant à l’encontre de l’ordre établi. Les résultats d’études scientifiques ne sont-ils pas un bien commun dont tout un chacun doit pouvoir disposer et en débattre ? N’est-il pas du rôle (du devoir) du chercheur d’informer l’ensemble de la société civile des risques potentiellement encourus par l’utilisation d’une nouvelle technologie ou la consommation de ses produits ? Les retombées de l’étude Séralini, en terme de réglementation de l’évaluation, auraient-elles été les mêmes si la société civile ne s’en étaient pas emparée ?

(1) G.E. Séralini, E. Clair, R. Mesnage, S. Gress, N. Defarge, M. Malatesta, D. Hennequin, J. Spiroux de Venômois. Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize. 2012. Food and Chemical Toxicology 50 : 4221-4231
Traduction de certains passages de l’article « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a roundup-tolerant genetically modified maize » par Dominique Béroule

Florence BELLIVIER, Professeur à l’Université Paris X – Nanterre, spécialiste du droit civil, du droit de la bioéthique et du droit médical

 L’accès aux données de recherche médicale

Résumé :
L’intervention portera sur l’accès aux données de recherche médicale, et ce sous deux angles. D’une part, le développement des biobanques, notamment populationnelles, invite à s’interroger sur le point de savoir si le rassemblement, dans de vastes collections, d’échantillons et données biologiques, change les politiques de circulation desdites données entre chercheurs. D’autre part, plus en aval, quand un produit est commercialisé sous la forme d’un médicament, se pose la question de l’exclusivité revendiquée par les industriels sur les données cliniques issues de la recherche.

Questions du public :

Animatrice de la séance : Marie CORNU, Directrice de recherche CNRS et directrice du Centre d’études sur la coopération juridique internationale (Cecoji)