Séminaire du 20 mars 2013

Mémoire(s) scientifique et préservation des savoirs et savoir-faire

Intervenants : Pierre TEISSIER, Sacha LOEVE et Olivier BAUDE

Pierre TEISSIER, 
Historien des sciences au Centre François Viète, Université de Nantes
Sacha LOEVE, 
Postdoc au CETCOPRA (Centre d’Etude des Techniques, des COnnaissances et des PRAtiques),
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – EA 2483, UFR 10 Philosophie

Archives orales : construire, conserver et contextualiser la mémoire savante contemporaine

Site Internet « Sciences : histoire orale »

Résumé :
Il y a longtemps que les historiens ont recours aux archives orales (transcriptions écrites d’entretiens oraux). En multipliant les points de vue sur un même événement, ces témoignages constituent des sondes d’analyse pertinentes des sociétés humaines en même temps que des éléments du patrimoine culturel. Les historiens des sciences commencent à les utiliser à partir des années 1960 pour suivre les transformations des cultures savantes du milieu du vingtième siècle au moment même où la croissance exponentielle des sciences en rend l’étude plus difficile et la mémoire plus foisonnante. Face à cette situation, les archives orales constituent des outils de choix pour étudier le développement des activités cognitives (représentations, savoirs), pratiques (vie de laboratoire) et sociales (identités collectives, trajectoires individuelles) des communautés scientifiques. Cependant, la richesse des informations auxquelles elles donnent accès ne doit pas faire oublier l’ambiguïté de ces sources littérales, construites sur une mémoire vivante, faillible, située, s’inscrivant dans des fragments de récits. En nous basant sur le site internet « Sciences : histoire orale » (http://www.sho.espci.fr), qui regroupe un corpus d’entretiens liés aux recherches en matériaux depuis les années 1950, nous évoquerons un certain nombre de problèmes posés par la constitution, la préservation et la diffusion des archives orales à l’heure du numérique. Nous évoquerons par la même occasion quelques hypothèses historiques que ce corpus permet de formuler.

Olivier BAUDE
, Laboratoire Ligérien de Linguistique, UMR 7270 Universités d’Orléans-Tours et DGLFLF, Ministère de la Culture et de la Communication

Corpus oraux : les « bonnes pratiques » des linguistes

Présentation O. Baude (pdf)

Résumé :
Le développement naissant des humanités numériques est l’occasion de questionner le rapport que les linguistes ont avec leurs données. Déjà en 1911, lorsque Ferdinand Brunot installait les Archives de la parole, il affirmait que la possibilité d’enregistrer la voix humaine bouleverserait les recherches en linguistique. Bien plus récemment, les nouvelles technologies en matière de stockage, de diffusion mais aussi d’exploitation des enregistrements sonores couplées aux outils de traitement automatique du langage provoquent un renouvellement très prometteur des méthodologies, et par delà, des théories linguistiques.
Toutefois, cette situation ne va pas sans poser de nombreuses questions qui révèlent que lorsqu’il s’agit de porter un regard réflexif sur l’usage des données, on ne peut que constater à quel point le juridique, l’éthique, le technique et le scientifique sont éminemment entrelacés. La constitution d’un programme résultant d’un partenariat entre le Ministère de la culture et le CNRS et portant sur les « bonnes pratiques » de numérisation des corpus oraux fut l’occasion d’un travail préliminaire qui regroupa des chercheurs, des juristes, des informaticiens et des conservateurs (Corpus oraux, guide des bonnes pratiques, 2006, CNRS Editions & PUO).
L’élaboration de ces bonnes pratiques nécessite non seulement de prendre en compte l’ensemble de la chaine de traitement des données, de la constitution à la conservation en passant par l’exploitation et la diffusion, mais aussi de reconnaitre l’hétérogénéité des démarches adoptées par les chercheurs. L’explicitation détaillée de la démarche apparait alors comme une nécessité première qui relève de la responsabilité du chercheur. In fine, la préservation des savoirs repose sur la possibilité pour les linguistes à produire et conserver la mémoire de ce qu’ils font (des données) à partir d’une analyse réflexive.

Animatrice de la séance :
Stéphanie LACOUR, 
Chargée de recherche CNRS au Centre d’études sur la coopération juridique internationale (Cecoji), spécialiste du droit applicable aux sciences et aux technologies émergentes.