2008 : Les nouveaux enjeux de l’expertise scientifique

Colloque organisé par le Centre d’Alembert et Chimie et Société (Fondation de la Maison de la Chimie) 14 & 15 mai 2008

Affiche ALEMBERT

 

LES NOUVEAUX ENJEUX DE L’EXPERTISE SCIENTIFIQUE

Programme

Synthèse du colloque

 

 

 

ALLOCUTIONS D’OUVERTURE
Danièle OLIVIER
, Vice-Présidente de la Fondation de la Maison de la Chimie
Anita BERSELLINI, Présidente de l’Université Paris-Sud 11
Xavier CHAPUISAT, Directeur du Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) Universud
Andrée MARQUET, Présidente de « Chimie et Société »
Jean-Michel LEFOUR, Directeur du Centre d’Alembert

 

LES MULTIPLES FACETTES DE LA FONCTION D’EXPERT
Séance animée par : Jean-Louis MARTINAND

Jeanne ETIEMBLE,
 Directeur de recherche à l’INSERM, Directrice du centre d’expertise collective de l’INSERM
« L’expert : un scientifique en situation d’expertise »

Débat avec Jeanne ETIEMBLE


Présentation de Jeanne Etiemble
Résumé :
La demande croissante par les pouvoirs publics d’expertises dans le domaine scientifique traduit une évolution des liens entre science et société. L’activité d’expertise est par nature différente de l’activité de recherche. Néanmoins, on peut considérer que l’une s’appuie sur l’autre. Les situations et les enjeux d’expertise peuvent être différents selon les secteurs scientifiques (sciences du vivant, de la nature, de la matière, de la société). L’expertise « collective » de connaissances apparaît différente de l’expertise « individuelle » technique. La question du statut et de la fonction de l’expert se pose donc différemment selon les situations d’expertise. Comment s’effectue le choix de l’expert ? Comment est organisée sa contribution pour une expertise ? Quelles sont ses responsabilités et celles de l’Institution qui le sollicite ? Quels sont les différents aspects de sa mission ? Quelle est la valorisation d’une telle activité ? Autant de questions qui concernent les multiples facettes de la fonction d’expert.

 

Jean-Yves TREPOS, Professeur de sociologie à l’Université Paul Verlaine – Metz, 
Directeur du Laboratoire Lorrain de Sciences Sociales, Universités de Metz et Nancy 2
« Les experts face aux savoirs profanes »

Débat avec Jean-Yves TREPOS

Présentation de Jean-Yves Trépos
Résumé :
L’appui des savoirs scientifiques au travail d’expert est longtemps resté à l’abri d’une critique de l’expertise qui était plutôt dirigée contre l’instrumentation politique ou technocratique de cette activité. Après ce rappel, l’exposé essaiera de faire le point sur les enjeux de cette critique aujourd’hui. Très schématiquement, elle s’inscrit dans un jeu à trois dimensions. La première définit une contre-expertise se faisant jour au nom d’une critique de la neutralité de la rationalité scientifique (voir le cas des OGM) et du monopole savant de la définition des risques. La deuxième se présente comme une alternative à l’expertise scientifique au nom d’une expertise citoyenne (« nous sommes les experts de nos vies », entend-on parfois) et peut prendre appui sur la diffusion des NTIC (en particulier téléphonie mobile, appareils numériques) pour permettre à chacun d’être en prise sur l’événement. La troisième est moins visible, mais sans doute plus inscrite dans le fonctionnement économique contemporain : partant de la distinction de Lisbonne (2000) entre « information » (duplicable) et « connaissance » (résultat d’apprentissages et non duplicable), l’économie de la connaissance ouvre le chantier d’une implémentation collaborative des savoirs (notamment sous la modalité du « wiki »), elle aussi en porte-à-faux par rapport à la conception scientifique usuelle de l’avancée du savoir. Ces trois critiques e sont pas sans parenté. L’exposé cherchera à évaluer les défis qu’elles portent.

Bernard DECOMPS , Membre de l’Académie des technologies, ancien Directeur de la Recherche au Ministère de l’éducation nationale
« La  » longue marche  » d’un chercheur vers l’expertise
… et vice versa »

Débat avec Bernard DECOMPS

Résumé :
Pourquoi observons-nous tant de distance entre l’expert et le chercheur ? Est-ce l’apanage de certaines sciences, une façon de se consoler du peu d’intérêt de la société pour les savoirs qu’elles véhiculent ? Pour les physiciens, en particulier, n’est-ce pas la hantise d’une confrontation avec les spectres de Hiroshima ou de Tchernobil ? En prenant appui sur son itinéraire personnel, puis sur le parcours de quelques-uns de ses proches, en France et plus souvent, à l’étranger, l’auteur explore les obstacles que rencontrent des chercheurs sans complexe pour remplir une fonction essentielle à la société, celle d’expert à son service. Les obstacles, certes, mais aussi les gratifications de cet autre « métier » et les pièges toujours présents d’un improbable retour en arrière.
Improbable retour à la Science avec un grand S, pas si certain ! Après des années consacrées à la création et à la montée en puissance d’une entreprise ou de tout autre entité dont la finalité éloigne de la science en création, le chercheur devenu expert à temps plein n’est plus le même, sans pour autant avoir perdu une once de sa capacité d’imagination. La maïeutique des questions posées à l’expert qui vit en lui et des nouvelles réponses de la science dont il comprend la signification fonctionne. Elle lui permet ainsi d’explorer des champs nouveaux, susceptibles de profiter aux deux parties. La « science pratique » que l’auteur a mise en forme à Cachan n’a nullement renoncé à l’excellence. Plus proches encore, les Instituts Carnot et les pôles de compétitivité, du moins certains d’entre eux, possèdent cette vertu de démontrer que, même en France, science et conscience sociétale ne sont plus nécessairement ruine de l’âme du chercheur.

 

 LES CONTRADICTIONS DE L’EXPERTISE
ET L’EXPERTISE CONTRADICTOIRE
 Séance animée par : Andrée MARQUET

Rémi BARBIER, Professeur de sociologie à l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg, Chercheur au Cemagref
« L’expertise vue d’en bas.
Une approche du rapport profane aux experts
et à leurs productions »

Débat avec Rémi BARBIER

Résumé :
On se propose d’apporter quelques éléments de réflexion sur le rapport profane aux expertises, plus précisément dans le cadre de leur usage dans les politiques territoriales comme la gestion de l’eau ou des déchets. On montre que la confrontation au territoire et à ses habitants opère une triple mise en tension. En premier lieu, la réception de l’expertise est susceptible de déplacer les frontières initialement retenues pour définir le collectif expertisé ; en second lieu, elle met en cause l’espace de calcul nécessaire à l’expertise, en suspendant une partie des équivalences nécessaires à son fonctionnement ; enfin, elle met à l’épreuve le régime de véridiction de l’expertise, en faisant varier les règles qui définissent ce qu’est un expert et une connaissance utile à l’action.

Denis ZMIROU-NAVIER, École des Hautes Études en Santé Publique et Université de Nancy
« Du contradictoire dans l’expertise scientifique :
chacun à sa juste place »

Débat avec  Denis ZMIROU-NAVIER

Présentation de Denis Zmirou-Navier
Résumé :
L’expertise en santé publique consiste à rassembler et évaluer les données scientifiques disponibles à un moment donné sur le danger et les risques pour la santé liés à un agent, un milieu, un comportement ou une organisation, et sur les moyens de maîtriser ces risques, en vue de rendre ces informations utilisables par des instances en charge de leur gestion. Diverses parties sont concernées et souhaitent pouvoir intervenir dans le cours de ce processus. Parce que le risque est à la fois un objet scientifique et politique, cette demande est fondée. Pour autant, il importe que soient explicitées les différentes étapes de l’ensemble du processus conduisant à une décision en matière de risque. La phase de l’expertise scientifique en est une composante, qui a ses règles et acteurs propres. L’évaluation puis l’analyse du risque, comme sa gestion, appellent une claire délimitation des rôles des différents acteurs pour que leurs responsabilités respectives puissent être attribuées. L’approche « procédurale » de l’expertise satisfait le mieux les objectifs d’objectivité, de transparence et d’attribution des responsabilités. La communication traitera spécifiquement des risques pour la santé liés à l’environnement.

 

Denis BARD, Enseignant-chercheur en santé environnementale, École des Hautes Études en Santé Publique, Rennes
« Divergences de conclusions d’experts
et incertitudes scientifiques sur les effets
des faibles doses »

Débat avec Denis BARD

Présentation de Denis Bard
Résumé :
Dans le domaine de la santé environnementale, souci grandissant dans notre société, les conclusions de tel ou tel groupe d’experts divergent fréquemment sur les impacts de l’exposition des individus à un agent peut-être nocif, alors que la nocivité intrinsèque de l’agent considéré fait consensus. Le problème est en fait celui des effets d’exposition à de faibles doses, situation très commune dans le champ de la santé environnementale. Comme les effets de ces doses ne peuvent être directement observés, il est nécessaire d’effectuer des transpositions et extrapolations pour estimer les impacts. Les bases scientifiques et les hypothèses retenues doivent être strictement distinguées. Les choix alternatifs d’hypothèses par les experts expliquent au final les divergences d’interprétation des connaissances scientifiques.

 

L’EXPERT, LE CITOYEN, LE POLITIQUE

Jean-Yves LE DÉAUT , Député de Meurthe-et-Moselle
« Le savant, le politique et le citoyen »

Résumé :
Le temps n’est plus celui où les technologies peuvent être imposées par les seuls experts. Le citoyen souhaite qu’un dialogue effectif précède toute décision. Le rejet des OGM dans le grand public, en France et en Europe, en est la preuve.
Mais comment en est-on arrivé là ? Les OGM sont-ils le mal absolu, comme le prétendent les « faucheurs volontaires » ou ne sont-ils que les victimes expiatoires désignées des déboires écologiques des pays développés ? 
A travers cet exemple, je voudrais montrer comment l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), – regroupant 36 députés et sénateurs – a innové, en faisant dialoguer tout d’abord profanes et experts, en organisant la première conférence de citoyens en France en 1998 et d’autre part, en confrontant l’avis d’experts entre eux pour vérifier la validité de leur thèse. L’OPECST a joué un rôle de pionner dans la promotion de l’expertise publique collective et contradictoire. Dommage que dans le même temps, les médias aient joué un rôle simplificateur en souhaitant toujours une réponse par blanc ou par noir sur des sujets complexes. 
Ce dialogue entre le savant, le politique et le citoyen ne doit en aucun cas être un alibi pour justifier des décisions prises. C’est à cette seule condition que le politique pourra prendre des décisions acceptées par tous.

 

L’EXPERTISE SCIENTIFIQUE ET LE DROIT£
Séance animée par : Jean-Michel LEFOUR

Marc GIRARD, Consultant (médicament et recherche biomédicale)
« L’expert dans les prétoires : esquisse d’une théorie sur la base d’une expérience »

Diaporama de Marc Girard
Présentation de Marc Girard
Texte de Marc Girard
Résumé :
Assez particulière, notamment par rapport au système anglo-saxon, l’organisation française de l’expertise judiciaire peut renvoyer, évidemment, à des questions intrinsèquement judiciaires (efficacité du système, égalité des armes, etc.) qui dépasseraient le cadre du présent colloque. Mais dans sa spécificité (notamment l’idéal de l’expert unique, au-dessus des parties), le système français d’expertise permet de poser avec beaucoup d’acuité – et d’actualité – des questions cette fois centrales pour notre colloque : outre les attentes (des parties et du juge), l’éthique ou la compétence, on s’attachera tout particulièrement à l’impartialité de l’expert ainsi qu’à sa protection.

 

Marie-Angèle HERMITTE, Directeur de recherche au CNRS, Directeur d’études à l’EHESS (UMR 8103 Droit comparé de Paris)
« L’organisation juridique de l’expertise scientifique aux fins de décision publique »

Débat avec Marie-Angèle HERMITTE

Présentation de M-A.Hermitte
Résumé :
Un grand nombre de décisions publiques sont prises à la suite d’expertises scientifiques, depuis la mise sur le marché d’un médicament jusqu’aux grands programmes de recherches sur les nouvelles technologies. Ces expertises ont été apparemment de plus en plus organisées, rationalisées, autonomisées. Pourtant, le retour d’expérience sur des affaires anciennes comme les contestations sur les affaires en cours, montre que les modèles d’expertise en place continuent de ne pas donner satisfaction, entraînant un déficit de confiance préjudiciable aux producteurs comme aux consommateurs. L’exposé décrira les grandes voies proposées aujourd’hui pour sortir de cette insatisfaction.

 

L’EXPERT DANS LES DÉBATS CITOYENS
Séance animée par : Richard-Emmanuel EASTES

Matteo MERZAGORA, Journaliste scientifique et consultant en communication des sciences, Groupe TRACES (ENS), Paris
« Le « citoyen expert » :
 une introduction interactive avec la salle »

Présentation de M. Merzagora
Résumé :
Différentes manières selon lesquelles les citoyens peuvent jouer aujourd’hui le rôle d’experts seront présentées, des conseils en matière d’achats sur Internet jusqu’aux conférences de citoyens. Dans l’objectif de recueillir des inputs pour la discussion du dernier jour, on proposera dès le départ une expérience interactive qui permettra aux participants de définir l’agenda des discussions.

 

Georges MERCADAL, ancien Vice-Président de la Commission Nationale du Débat Public
« L’expertise : quelques enseignements des débats de la CNDP »

Texte de G.Mercadal
Résumé :
La loi de 2002 qui institue le débat public donne à la Commission Nationale qui l’organise le pouvoir, et les moyens, de diligenter des « expertises complémentaires », en réponse aux demandes d’acteurs du débat, qui ont eu d’ailleurs tendance à les dénommer « contre expertises ». Sous la pression du public, les organisateurs des débats ont considéré cette disposition comme une invite à recourir à l’expertise venant d’horizons divers pour permettre au public d’acquérir une vue contrastée de l’objet du débat. Cela a produit des formes d’intervention variées, et aussi des fonctions différentes, de l’expertise dans le débat. Après une trentaine de débats, on peut inversement dégager quelques enseignements sur les conditions que l’expertise elle-même doit remplir pour contribuer efficacement à la progression du dialogue avec le public. On peut citer notamment le pluralisme des statuts des intervenants et l’ouverture des experts institutionnels aux idées alternatives.

 

Pierre-Benoit JOLY, Directeur de recherche, INRA/TSV »
« Le citoyen dans les débats d’experts – examen critique des transformations contemporaines de l’expertise scientifique »

Débat avec Pierre-Benoit JOLY

Présentation de P-B. Joly
Résumé :
Ces dernières années, l’organisation de l’expertise à des fins de décision publique a fait l’objet de nombreux débats académiques. Dans le champ de l’étude des sciences et des techniques (STS), de nombreux chercheurs ont mis l’accent sur l’importance de l’ouverture de l’expertise, arguant que la participation de « citoyens ordinaires » contribue non seulement à sa légitimité, mais aussi, qu’elle améliore la qualité des connaissances produites. Cette proposition paradoxale -des « non-sachants » amélioreraient la production de connaissances !- a fait l’objet de nombreux débats, tant dans le milieu académique que dans les arènes publiques.
Après avoir rappelé cette proposition et les critiques dont elle a fait l’objet, cette présentation tirera parti de différentes expériences  récentes pour mettre à l’épreuve les arguments des différents protagonistes. Si les débats récents ont permis de clarifier les conditions et les modalités de contribution des « citoyens ordinaires », on mettra l’accent sur la nécessité de dépasser les conceptions internalistes de la participation des citoyens pour considérer explicitement les interactions avec d’autres formes de débats et les modalités d’intégration dans les processus décisionnels.

 

André CICOLELLA, Président-Fondateur de la Fondation Sciences Citoyennes
« Propositions pour une déontologie de l’expertise »

Présentation de A. Cicolella
Résumé :
L’expertise scientifique représente un enjeu considérable dans les sociétés modernes, car c’est sur elle que se fondent et se fonderont de plus en plus les grandes décisions de politique publique. La fiabilité de cette expertise, qui conditionne par ailleurs sa crédibilité auprès de la société civile, doit reposer sur le respect de règles déontologiques, dont la définition et les conditions d’application doivent être transparentes et relever pour ce faire d’une Haute Autorité administrative indépendante. Cette Haute Autorité devrait être également en charge de la protection de l’alerte. Le lien entre alerte et expertise est, en effet, étroit, car , d’une part, une alerte est souvent le signe d’un dysfonctionnement de l’expertise et, d’autre part, l’alerte doit pouvoir déclencher une expertise.

 DÉBAT GÉNÉRAL avec la salle
animé par : Matteo MERZAGORA , Journaliste

Présentation de M.Merzagora