2014 : Recherche scientifique et démocratie

  Colloque 21 et 22 mai 2014
Affiche colloque 2014

RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DÉMOCRATIE
Programme du Colloque
Objectifs du Colloque
Bibliographie

 Résumés, diaporamas et vidéos
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ALLOCUTIONS D’OUVERTURE
Jacques BITTOUN
, Président de l’Université Paris-Sud
Annick JACQ, Directrice du Centre d’Alembert

RECHERCHE ET DÉMOCRATIE FONT-ELLES BON MÉNAGE ? L’AUTONOMIE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE EN DÉBAT
La démocratie met-elle la science en danger ? Jusqu’où la recherche scientifique doit-elle être autonome ? Nous nous poserons la question en croisant le regard de la philosophie et de la sociologie des sciences.
Animatrice : Annick JACQ, Microbiologiste, CNRS, Institut de Génétique en Microbiologie

Léo COUTELLEC, Chercheur en philosophie des sciences, Espace Éthique Île-de-France
Penser le pluralisme dans les sciences et ses implications éthiques pour la démocratie.

Résumé :
Les appels légitimes à une démocratisation des sciences traduisent-ils une volonté d’ « ouverture à la société », une incitation à « changer la façon de faire de la science » ou une exigence à retravailler la façon d’ « identifier et de penser les sciences » ? Il s’agit là de trois entrées potentiellement compatibles – respectivement sociologique, politique, épistémologique – pour réfléchir à la manière dont sciences et démocratie peuvent s’accorder. Notre intervention s’inscrit dans une perspective épistémologique qui consiste à trouver les moyens d’identifier, de reconnaître et d’organiser la matérialité plurielle constitutive des sciences. Nous formulons l’hypothèse d’un pluralisme épistémique ordonné et cohérent qui permet d’épaissir le concept de science et d’éviter toute forme de réduction épistémologique (qu’elle soit positiviste ou relativiste). Ce faisant, la question de l’autonomie de la recherche se pose différemment, elle n’est plus tant une question de frontière mais plutôt une exigence de démocratie dans les sciences.

Brice LAURENT, Sociologue, Centre de Sociologie de l’Innovation, Mines ParisTech
Faire de la science une question démocratique ? 
Quelques apports des études sociales des sciences.

Résumé :
Les sciences sociales se sont intéressées depuis plusieurs années à l’implication des « profanes » dans la recherche scientifique. Qu’il s’agisse d’associations de patients, d’organisations militant pour la défense de l’environnement, ou encore de collectifs d’utilisateurs, les frontières entre les pratiques « scientifiques » et « amateurs » peuvent s’avérer poreuses. Cet intérêt des sciences sociales n’est pas séparable d’évolutions notables dans la définition des objectifs et des moyens des politiques de la recherche, qui insistent aujourd’hui sur le nécessaire « engagement » des publics de la science. Cette situation peut mener à deux positions opposées, l’une déplorant l’intégration de la critique, l’autre cherchant à définir les bons critères de la participation des profanes à la science. Ces deux positions requièrent des hypothèses fortes sur ce qui est considéré comme démocratiquement souhaitable. Cette communication propose d’adopter une perspective alternative, problématisant la fabrique de l’ordre démocratique. Les comparaisons internationales comme les situations expérimentales telles que les initiatives européennes permettent de considérer que les formes de la légitimité démocratique ne sont pas données. Elles invitent à considérer les transformations des rapports science /société comme des opportunités pour entreprendre une réflexion sur la construction de l’ordre démocratique.

Stéphanie RUPHY, Philosophe, Université Pierre-Mendès-France, Grenoble
Quelles formes de limitation de l’autonomie de la science 
sont (épistémologiquement) acceptables et (politiquement) désirables ?

Diaporama de Stéphanie Ruphy
Résumé :
L’idée que la science est susceptible de répondre aux besoins tant épistémiques que pratiques de la société à la condition qu’elle en soit détachée a longtemps dominé les façons de concevoir les rapports entre science et politique. L’autonomie de la science est en effet souvent pensée comme garante d’une meilleure efficacité en termes de production de connaissances et d’avancées technologiques et d’une meilleure capacité à produire les expertises neutres dont une démocratie a besoin. J’interrogerai plusieurs suppositions épistémologiques qui sous-tendent une telle défense de l’autonomie, comme par exemple l’argument de l’imprévisibilité du développement d’un programme de recherche.  Je proposerai ensuite des conditions que doit remplir, pour qu’elle soit épistémologiquement acceptable, toute forme de limitation de l’autonomie de la science.  A la lumière de ces conditions, j’évaluerai ensuite plusieurs options envisageables ou déjà existantes de limitation de  l’autonomie de la science, notamment celle d’une participation directe accrue des citoyens à la définition des grandes priorités de la recherche.

Questions du public :

QUELLE GOUVERNANCE POUR LA SCIENCE, QUELLES RÉALITÉS, QUELS IDÉAUX ?
Il s’agit ici d’éclairer la question de la démocratie en questionnant la manière actuelle (et passée) dont sont fait les choix scientifiques.
Animateur : Jean-Louis MARTINAND, Professeur émérite ENS Cachan

Michel BLAY, Historien des sciences, CNRS
Réflexions sur la construction d’une recherche démocratique 
à partir d’une approche historique.

Résumé :
A l’occasion de cette communication nous reviendrons sur la création du CNRS en 1939 et sur sa « recréation » en 1945. Nous soulignerons en particulier les ambitions démocratiques qui inspirèrent les nouveaux décrets  de 1945. Il sera ainsi très aisé de montrer à quel point ces ambitions passées sont largement oubliées aujourd’hui.

Marcel MORABITO, Professeur des Universités en droit à Sciences Po Paris et conseiller auprès du directeur de la recherche technologique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
Quelle gouvernance pour la recherche ?

Diaporama de Marcel Morabito
Résumé :
Quelles structures adopter pour obtenir de meilleures performances ? Quels critères privilégier dans les choix technologiques et le développement des projets ? Sur quel environnement culturel doit-on s’appuyer pour innover ? Comment trouver un équilibre  durable entre initiatives locales, nationales et globales ? Prenant appui sur ses missions dans une vingtaine de pays, Marcel Morabito propose un panorama inédit des modèles de recherche et d’innovation à travers le monde, qui offre autant de pistes de réflexion sur les améliorations à apporter au système français.

Claude SAUNIER, ancien Sénateur et Vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, membre du Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie
Science et société face à la crise : le paradoxe contemporain.

Diaporama de Claude Saunier
Résumé :
La crise n’est pas ce que l’on dit ni ce que l’on croit. Ce n’est pas seulement une crise financière. C’est une mutation générale qui affecte l’économie mondiale, la géopolitique, les ressources et les équilibres de la planète, l’organisation sociale, le fonctionnement des institutions politiques, le monde de la culture et de la connaissance qui connaît aussi de grands bouleversements.
Dans ce domaine, la science contemporaine ne connaît pas la crise. Elle produit plus que jamais dans l’histoire de l’humanité, elle se renouvelle à un rythme accéléré et se diffuse largement malgré le maintien de grandes inégalités.
Son positionnement comme outil majeur de la grande mutation contemporaine est évident mais pose la question de son articulation avec la société et renvoie à la question de la démocratie.

Questions du public

LA DÉMOCRATIE TECHNIQUE EN QUESTION : QUEL DÉBAT DÉMOCRATIQUE SUR LES TECHNOLOGIES ?
Cette session sera plus spécifiquement dédiée à la question de la démocratie technique et de la gouvernance des technologies.
Animatrice : Christine EISENBEIS, Informaticienne, INRIA, Laboratoire de Recherche en Informatique

Bernard REBER, Philosophe, directeur de recherche au CNRS, Centre de Recherches politiques (Cevipof), SciencesPo-CNRS
La démocratie technique deviendrait-elle adulte à l’heure de 
l’Innovation et de la Recherche Responsables (Horizon 2020) ?

Diaporama de Bernard Reber
Résumé :
La notion de démocratie telle qu’elle figure dans le titre et l’argumentaire du colloque, ainsi que ses quatre occurrences dans les intitulés de tables rondes est très largement perçue comme positive. De même, son association avec la science, ou la technologie, semble acquise. L’expression de démocratie technique – ou environnementale – aurait perdu sa charge d’exotisme ou de provocation. Et pourtant, jusqu’à présent on a plus fait œuvre d’expérimentation, d’hybridation de procédures, adossés à peu de frais sur la légitimation néo-pragmatiste des publics affectés ou souhaitant répondre à des mobilisations sociales ou des crises sanitaires venu lézarder la confiance.

De plus, en ce qui concerne la démocratie, c’est sa forme participative qui a été plébiscitée pour tendre à une inclusion de publics et de communautés épistémiques hétérogènes. Certes, par effet de mode plus que par souci de cohérence théorique, on a parfois préféré la délibération à la participation, sans tirer les conséquences des conflits entre ces deux théories démocratiques.

S’il faut saluer l’acquisition de savoirs en ingénierie sociale et en design institutionnel, la richesse des innovations institutionnelles (plus d’une cinquantaine) dans le domaine de l’évaluation participative des technologies controversées, celle des travaux, massivement descriptifs, documentant ces processus, la production de critères d’évaluation de la qualité de ceux-ci reste trop peu spécifique et en deçà des enjeux. En effet, on a surtout privilégié des critères de coopération entre participants à ces forums, souvent en mini-publics, en n’abordant pas les problèmes plus substantiels de la gouvernance entre savoirs parcourus par des controverses, tant en interne, qu’à leurs frontières ou par leur coprésence rare dans des espaces publics partagés, où leurs porteurs sont invités à respecter différentes règles de débat. Or, pour reprendre l’une des conceptions centrales dans la théorie de la démocratie délibérative, l’argumentation, il faudrait être capable de répondre au problème de la co-argumentation dans un contexte interdisciplinaire devant compter avec l’incertitude. J’ajoute que cette interdisciplinarité est tantôt une coopération entre savoirs, tantôt une réduction ou une remise en cause. Atteindre un haut niveau de qualité sur les plans, scientifique et politique, respectant chacune des sphères, passe par une série de problèmes pratiques, qui restent encore insolubles théoriquement. Il convient également de prendre au sérieux des normativités de type différents, dont le traitement et l’articulation fait l’objet de dispute depuis l’Antiquité.

Il faut ajouter une troisième sphère, celle de l’éthique, notamment sous la forme de la responsabilité morale, qui a joué le rôle de levier pour permettre le rapprochement entre sciences et démocratie. Pourtant, la dimension éthique est souvent escamotée, même dans le tournant récent d’une sorte de biopolitique, par exemple avec les récents Etats généraux de la bioéthique ou de la fin de vie.

L’émergence dans l’Espace européen de la recherche de la notation de la Recherche et de l’Innovation Responsables  (Responsible Research and Innovation) est l’occasion d’attribuer à des agents des rôles associés à des compétences, parfois reconnues comme ayant autorité, capables de se répondre, devant rendre des comptes en bonne et due forme. La RRI si elle couvre des pratiques jusque-là éparpillées comme l’ETP, la prospective, la Midstream modulation of technology, la Responsabilité sociale des entreprises, et plus fondamentalement la richesse du concept de responsabilité morale est une occasion de revisiter la démocratie technique, d’en questionner les fausses évidences, de l’approfondir, de la préciser et d’en penser la mise en contexte.

Philippe AIGRAIN, Informaticien et essayiste, directeur de Sopinspace, co-fondateur de La Quadrature du Net
Les conditions d’un devenir démocratique des technologies numériques.

Résumé :
Les technologiques numériques (informatique, réseaux et leurs usages) ont ceci de particulier que les individus et les acteurs de la société civile ont une certaine capacité à les produire, à en orienter le développement ou à y effectuer des choix structurants. Elles sont par ailleurs non seulement l’objet de débats mais également l’instrument de ces débats et même de la construction des réflexions qui s’y expriment.
A partir de ma double expérience d’organisateur de débats en ligne et d’activiste pour les libertés et capacités dans la sphère numérique, j’explorerai les conditions nécessaires à un devenir démocratique de ces technologies de l’esprit et de la socialité.

Jean-Paul MALRIEU, Physico-chimiste, directeur de recherches émérite au CNRS
Expertise et politique.

Résumé :
Face à la possible mise en œuvre de technologies susceptibles d’impacts significatifs sur la société, la puissance publique devrait en principe exprimer des choix, accepter, refuser ou poser des conditions à cette mise en œuvre. Elle n’entend souvent que les promoteurs de ces technologies, qui promettent évidemment un surcroît de puissance, garanti par la mobilisation des scientifiques promoteurs de l’innovation.  La promesse de cette augmentation de puissance devient l’argument décisif et suffisant en faveur de la mise en œuvre, dès lors que la compétition est le paradigme dans lequel est immergé le problème posé : « si nous ne le faisons pas, les autres le feront, donc faisons-le ». Où l’on voit opérer le « Il n’y a pas d’alternative » cher à Madame Thatcher.
Le processus du choix devrait se jouer à trois : entrepreneurs, puissance publique, opinion des citoyens.  La complexité technique pose de fait un véritable problème à la démocratie, quand les choix requièrent en principe des connaissances complexes. La solution invoquée passe souvent par la consultation d’experts « indépendants ». On montrera d’abord que nombre de choix techno/sociétaux ne sont pas formulables en terme d’évaluation d’un rapport avantages/ risques, parce qu’ils engagent des valeurs autres que la sécurité ou l’économie. C’est souvent le cas lorsqu’on touche au vivant ou à ses frontières. Ici des points de vue antagonistes irréductibles peuvent s’exprimer, que ne régleront pas les dispositifs de recherche de consensus raisonnables. La démocratie passe par le repérage et l’explicitation de bifurcations claires.
Mais même s’il ne s’agit  que d’évaluer les rapports avantages/ risques, l’expertise peut et doit souvent prendre la forme de diagnostics provisoires contradictoires. Or l’indépendance des experts ne coule pas de source. Tout inventeur est amoureux de sa trouvaille, en occulte les failles. Mais, plus grave, quand la recherche est systématiquement financée sur contrats, comme c’est aujourd’hui  la norme, on cesse de trouver des experts indemnes du soupçon de conflit d’intérêt. La démocratie exigerait le maintien d’une recherche libre, financièrement et thématiquement non asservie.  Elle devrait garantir un statut aux objecteurs de bonne foi, aux lanceurs d’alertes, écouter les bénévoles qui se sont instruits hors des circuits institutionnels, et même prévoir des « avocats du diable » dans les débats publics.

Questions du public

Table ronde : LA DÉMOCRATIE DANS LES LABORATOIRES ET INSTITUTIONS SCIENTIFIQUES HIER ET AUJOURD’HUI. TÉMOIGNAGE D’ACTEURS.
Cette table ronde sera l’occasion, à partir du vécu et des réflexions de chercheurs d’âges, d’expériences et d’institutions différentes, de poser la question du degré d’autonomie réel des scientifiques hier et aujourd’hui.
Animatrice : Annick JACQ

Marie-Josée DABOUSSI, Biologiste, directrice de recherche CNRS, retraitée
Nicolas THIÉBAUT, Doctorant en physique théorique, Laboratoire de Physique des Solides, Université Paris-Sud
Marco ZITO, Chercheur en physique au CEA Saclay, STCENS-CGT

SCIENCE ET DÉBAT PUBLIC, EXPERTISE PUBLIQUE : QUELS PUBLICS, QUELS EXPERTS ?
Nous interrogerons ici la figure de toutes celles et ceux qui contribuent ou pourraient contribuer au choix des priorités scientifiques et techniques, experts comme non experts, publics mobilisés ou citoyens isolés, et leurs rôles respectifs.
Animatrice : Stéphanie LACOUR, juriste, CNRS, Centre d’Études pour la Coopération Juridique Internationale

Olivier LECLERC, Chargé de recherche au CNRS, Centre de recherches critiques sur le droit (CERCRID)
Expert, partie prenante, public : quelles frontières ?


Diaporama de Olivier Leclerc
Résumé :
La démocratisation de l’expertise et des choix scientifiques et techniques fait place à une multiplicité d’acteurs : experts, parties prenantes, public, citoyens, savants, profanes, etc. Parfois formalisées dans les textes qui organisent des débats publics, ces dénominations sont aussi appropriées par les acteurs de controverses, qui souhaitent préciser la position qu’ils occupent. L’intervention vise à explorer, d’un point de vue juridique, les lignes de partage qui peuvent être dessinées entre ces qualités et les conséquences juridiques qu’elles emportent.

Michel COLOMBIER, Directeur scientifique à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) Ingénieur agronome et économiste
Pourquoi confronter nos orientations scientifiques et technologiques au public ?

Résumé :
Les procédures d’association du public aux choix scientifiques, technologiques et sectoriels se multiplient depuis quelques années, et prennent des formes diverses (expertise, débat public, comités citoyens etc). S’agit-il, comme certains l’affirment, d’un « effet de mode » ? Quelle est la valeur ajoutée de ces consultations ? Que peut apporter un regard « profane » dans des débats pointus de spécialistes ? Comment mettre une question en débat ? L’intervention s’appuie sur  plusieurs expériences récentes dans le domaine énergétique notamment pour explorer ces différentes questions.

Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, Directrice de l’Institut des Hautes Études pour la Science et la Technologie
Quelle place pour la science dans le débat public ?

Diaporama de MF. Chevallier-Le Guyader
Résumé :
L’espace public est-il organisé de telle sorte que la science, les technologies puissent faire l’objet d’un débat constructif ? Quels sont les lieux, les fonctions de ce débat dans les démocraties contemporaines ? Le débat sur les sciences révèle-t-il d’autres débats  liés à l’incertitude et  à la complexité auxquelles nos sociétés sont confrontées ? Comment analyser ses relations aux controverses sociotechniques ? Le développement  de l’expertise a bouleversé les relations entre la société et les scientifiques.   Quelles relations entre scientifiques, experts, politiques et citoyens ? Explorer le débat public sur les sciences  conduit  ainsi à revisiter ses relations  à deux dimensions structurantes majeures des relations sciences – société que sont d’une part la capacité dans nos démocraties à confronter les normativités et élaborer des normes et d’autre part  le partage des sciences et l’éducation. Quelles pistes de changement les succès ou difficultés du débat science -société ouvrent-elles pour  le « vivre ensemble » de demain ?

Questions du public :

CHANGER LA RECHERCHE POUR PLUS DE DÉMOCRATIE ? DES EXPÉRIENCES ALTERNATIVES
Nous évoquerons dans cette session des expériences de pratiques des sciences visant à rapprocher sciences et citoyens.
Animatrice : Anne-Sophie GODFROY, Philosophe, enseignante-chercheuse, Institut d’Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques

Mathieu QUET, Chargé de recherche IRD, CEPED
Expérimentations politiques et formes de critique des sciences.

Résumé :
Au cours des trente glorieuses, le monde scientifique et technologique enregistre de grands succès et bénéficie d’une immense confiance sociale. Mais la France des années 1970 est marquée au contraire par un mouvement important de critique des décisions techno-scientifiques et de reflux de l’image des sciences dans la société. De ce point de vue, la science n’est pas exempte des remous causés par mai 1968. Cette communication revient sur certaines critiques adressées aux sciences, aux techniques et à l’industrialisation corrélative au cours de ces années. On prêtera notamment attention aux expériences alternatives envisagées par les acteurs de la « critique des sciences » pour proposer d’autres formes d’enseignement, de collaboration, de production de connaissances, destinées à repenser le rôle social des sciences et des techniques.

Marc LIPINSKI, Directeur de recherche au CNRS, Ancien Vice-Président Enseignement supérieur, Recherche, Innovation au Conseil régional d’Île-de-France
Quelle(s) place(s) pour les citoyens dans la création de connaissances 
et les grands choix en matière techno-scientifique ?

Diaporama de Marc Lipinski
Résumé :
Dans nos sociétés de plus en plus technologiques, la question démocratique se pose de façon aiguë. Or, les grandes orientations en matière de choix scientifiques et surtout technologiques se décident en règle dans des cercles restreints dont les citoyens et même la grande majorité des élus politiques sont de facto écartés. Il est vrai que ces choix requièrent des efforts de formation et de montée en compétence dont l’inexistence sert trop souvent à justifier un véritable étiolement démocratique.
Pour faire progresser notre démocratie, nous postulons qu’il est possible de poursuivre plusieurs objectifs à la fois permettant d’une part de faire monter les volontaires en compétence et d’autre part de les impliquer dans la production de connaissances nouvelles. Nous illustrerons notre propos :

  • en décrivant les Partenariats institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation (Picri) proposés depuis 2005 aux acteurs académiques et associatifs par le conseil régional d’Île-de-France ;
  • par un retour sur la Conférence de citoyens sur les nanosciences organisée par ce même conseil régional dès 2006-2007 que nous comparerons au débat national sur les nanotechnologies organisé sous l’égide de la Commission nationale du débat public en 2009-2010 ;
  • par un aperçu de quelques avancées scientifiques pour lesquelles l’implication de milliers d’amateurs volontaires engagés dans des processus de sciences participatives s’est révélée cruciale ;
  • en comparant enfin les institutions dont la France et le Danemark se sont dotés dans les années 80 pour débattre démocratiquement de questions complexes à caractère scientifique et technologique.

Jean-Pierre ALIX, Secrétaire général du M.U.R.S., Président du programme REPERE
Science en démocratie, un oxymore ?

Résumé :
La science (la recherche) est une activité élitiste voire aristocratique qui se pratique principalement dans la liberté, l’auto-organisation et la reconnaissance par les pairs. Ces conditions sont reconnues comme celles de la progression des connaissances. Mais la science est aussi une activité sociale dont l’importance se mesure à ses implications nombreuses et importantes, car elle propose plus que jamais un futur à toute société.
Or, dans les sociétés démocratiques contemporaines, on ne sait plus très bien où se prennent les décisions qui transforment les activités de recherche, les découvertes, les méthodes en procédés et en produits commercialisés. La chaîne de l’innovation est diffuse et parfois confuse. Ainsi naissent les conflits comme celui des OGM, désormais classique. Ou celui du nucléaire, canonique. Ainsi la science, exercice élitiste se trouve-t-elle mêlée à l’exercice de la démocratie, un tout autre exercice fondé sur le droit et le vote. Cette double approche, inscrite dans la tradition politique française, polémique, ne débouche pas facilement sur des politiques scientifiques consensuelles.
Un certain nombre d’exemples visant une structuration commune de la politique scientifique seront passés en revue. Des conclusions seront proposées qui reposent sur une intégration de la société et de ses demandes à la politique scientifique, dans un contexte où celle-ci reste balbutiante.

Questions du public :

Table ronde : CULTURE SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIEUSE. QUESTIONS D’ÉDUCATION, DE FORMATIONS ET DE MÉDIATIONS
Soulever des enjeux de démocratie en matière d’orientation des recherches, de choix techniques, de contrôle de l’expertise, d’action publique, c’est aussi se préoccuper de culture scientifique et technique populaire, de rapport aux savoirs scientifiques et technologiques des élites économiques, politiques, culturelles et médiatiques, de contenus et de formes éducatives, formatrices et médiatrices pour une capacité d’intervention citoyenne et de développement personnel.
Animateur : Jean-Louis MARTINAND

Jean CAUNE, Professeur émérite, ancien directeur de l’UFR des sciences de la communication, Grenoble 3, ancien directeur de la maison de la culture de Chambéry
Nicole CHÉMALI, Directrice de la communication de Genopole, Évry, et Vice-présidente de Sciences Essonne
Sylvestre HUET, Journaliste scientifique à Libération, auteur du blog {Sciences2}
Jean-Louis MARTINAND, Professeur émérite ENS Cachan, didactique et médiatique des sciences et techniques